Les troubles alimentaires touchent toutes les populations du monde, mêmes les pays les plus pauvres. Selon les études, 70% des personnes touchées par les troubles des conduites alimentaires (TCA) sont de sexe féminin. Les femmes sont le plus touchées, dans 80% des cas les TCA se manifestent entre 15 ans et 35 ans, et la moitié d’entre eux  dans la deuxième partie de l’adolescence, entre 14 et 18 ans. Les causes sont diverses à la fois hormonale mais également liée au changement de silhouette à l’adolescence. Les TCA sont souvent des maladies qui durent plusieurs années et entrainant des complications somatiques et psychiques qui altèrent la qualité de la vie et augmentent le risque de morbidité et de mortalité. La plus fréquente des complications est une dénutrition, mais également l’ostéoporose, des pertes dentaires et une diminution de la fertilité.

Le DSM (Manuel Diagnostique et statistique des troubles mentaux) distingue plusieurs troubles de l’alimentation chroniques. L’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie boulimique.

L’anorexie mentale

L’anorexie mentale est une perturbation de la relation à l’alimentation. Les personnes Troubles des conduites alimentairessouffrant d’anorexie mentale sont obsédées par le contrôle de leur alimentation accompagnée par la peur de prendre du poids et de devenir gros. L’anorexique se trouve dans l’incapacité de voir son corps tel qu’il est réellement. Il semble toujours plus gros qu’il ne l’est réellement. La raison de leur obsession est la croyance que par le contrôle de leur corps, il peuvent contrôler leur vie.

L’anorexie mentale débute généralement entre 14 et 17 ans suite à un régime, un deuil ou à des remarques sur l’aspect physique. L’adolescence est une période de changement (physiques, sexuelles, recherche de repères, ..). Ce trouble touche majoritairement les femmes (9 cas sur 10).

On remarque deux types d’anorexie mentale :

  • Restrictif : Perte de poids importante avec l’absence de crise de boulimie, de vomissements et de comportements purgatifs.
  • Purgatif : Accompagnée de crises de boulimie, de vomissement ou de comportements purgatoires (diurétiques, laxatifs), provoquant un sentiment de perte de contrôle, de culpabilité et de honte.

L’anorexie mentale se définit par des caractéristiques précises, notamment par une peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale (IMC < 17,5kg/m2), avec le refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et pour la taille. L’anorexique a recours à certaines pratiques (restriction, vomissements provoqués, prises de laxatifs), accompagnées d’une altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps. On remarque la présence d’aménorrhée c’est à dire une absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs. Chez l’anorexique le poids ou la forme corporelle ont une influence excessive sur l’estime de soi, la perception de son corps est déformée, avec le refus de reconnaitre la maigreur de son corps. D’autres symptômes peuvent être associés, une activité scolaire ou professionnelle importante, une hyperactivité sportive, des stratégies pour perdre du poids (prise de laxatifs, potomanie, vomissements, prise de diurétiques…).  Des manifestations physiques peuvent également apparaitre, perte de cheveux, fatigue importante, malaises, mais également un repli sur soi, dépression …

La personne anorexique mentale s’obligera, par exemple, à ne consommer que 200 calories par jour soit environ 10 fois  moins que l’apport normal conseillé. L’activité physique et le jeûne alimentaire sont valorisés, la fierté d’avoir dépassé ses limites renforce la sensation de puissance de la maladie.

  • Bibliographie
  • Alvin, P. (2001). Anorexie et boulimie à l’adolescence. Editions Doin.
  • Berg Kat, HURLEY D & ses collègues.(2005). Les troubles du comportement alimentaire. Editions de Boeck.
  • Bruck, H. (2000). L’enigme de l’anorexie. Editions PUF
  • Perroud, A. (2000).Tout savoir sur anorexie et boulimie. Editions Favre et santé.

La boulimie

C’est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par des épisodes Troubles alimentairesrécurrents de binge (consommation excessive et incontrôlée de nourriture sur une période restreinte) survenant en dehors des repas en l’absence de sensation de faim, suivis de comportements compensatoires extrêmes (vomissements induits ; abus de laxatifs, de diurétiques ou d’autres médicaments ; jeûne ; exercice physique intensif) pour prévenir une prise de poids, ce qui entrainent une fluctuation de poids importante. Au cours de l’accès, la personne ingère de grandes quantités de nourriture au-delà de toute satiété. La notion de perte de contrôle est importante. La qualité gustative des aliments est généralement indifférente. C’est en général la contenance gastrique qui constitue le facteur limitant le volume de la prise. La personne s’arrête à cause de l’apparition de douleurs gastriques ou par vomissements spontanés. Le sujet est seul et s’isole lors des crises boulimique  et le comportement boulimique est caché à l’entourage (amis, parents, …) . Il est généralement conscient du caractère anormal de son comportement et ressent angoisse et honte. La silhouette et le poids ont une influence importante dans la perception que les patients ont d’eux-mêmes.

Les crises de boulimie ne correspondent pas simplement au fait de trop manger, comme au cours des repas de fêtes. Ce n’est pas non plus le fait de manger tout le temps, comme dans le grignotage. Les crises de boulimie correspondent à des moments aigus de perte de contrôle de l’alimentation, au cours desquels la personne qui les subit perçoit une sorte d’urgence à manger qu’elle ne peut pas commander. Elle est donc contrainte d’absorber des quantités énormes d’aliments, en peu de temps (le plus souvent moins de deux heures).

Le DSM IV indique deux caractéristiques principales d’une crise de boulimie. D’une part, l’absorption en une période de temps limitée d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période temps similaire et dans les mêmes circonstances. Et d’autre part, sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire dans la crise. Trois autres critères doivent être présent les mesures compensatoires, leur fréquence (2 fois/semaine eu delà d’un mois) et leur impact sur l’estime de soi (dépend de façon disproportionnée à l’image corporelle et au poids).

  • Bibliographie
  • Combe, C. (2009).Comprendre et soigner la boulimie. Editions Dunod.
  • Igoins, L. (2000). La boulimie et son infortune. Editions Puf
  • Pazalle, V. (2005). Anorexie et boulimie : un journal intime d’une reconstruction. Editions Dangles
  • Rigaud, D. (2003).Anorexie, boulimie et compulsions. Editions Marabout

L’hyperphagie boulimique ou binge eating disorder

Ce trouble des conduite alimentaire a été récemment ajouté au coté des deux troubles précédents (anorexie et boulimie). L’hyperphagie boulimique a de nombreuses similitudes avec la boulimie, il existe cependant quelques différences. L’hyperphagie boulimique se caractérise par des prises alimentaires en quantité importante, très rapidement, provoquant des sensations inconfortables. La personne a le sentiment de perdre le contrôle des quantités ingérées, se sent incapable d’arrêter son comportement sur le moment entrainant des sentiments de honte, de malaise, culpabilité et une peur de grossir. Absence de comportements compensatoires, donc la prise de poids est l »une des conséquences de ces comportements. En effet, c’est la différence essentielle avec les autres troubles cités plus haut. Il est plutôt rare que les personnes aient recours aux vomissements, à l’abus de laxatifs ou de diurétiques, à l’excès d’activité physique ou encore à la diète. La plupart des crises ne sont pas suivis par envie de maigrir ou de perdre les calories, ainsi ingérées.

Si ces crises sont fréquentes et importantes, elles auront tendance à produite une surcharge en créant un déséquilibre entre les quantités de nourriture absorbées et les besoins réels de l’individu. Le poids, dans ce cas, présente une très grande variabilité dans le temps.

Ce trouble provenant en partie de leurs restrictions alimentaires, les tentatives de régime ne peuvent qu’aggraver leur obsession de la nourriture.

Les études ont montré que l’hyperphagie boulimique induit moins souvent de complications physiques ou psychologiques, contrairement à l’anorexie mentale et à la boulimie. Les conséquences sur la vie personnelle et sociale sont moins importantes.

On distingue également  d’autres formes de troubles alimentaires :  l’orthorexie, les conduites alimentaires nocturnes, le mérycisme et la potomanie. Certains troubles figurant dans le DSM V.

L’orthorexie

L’orthorexie est un phénomène méconnu autant du public que des professionnels de santé. D’une part, ce terme émergea à la fin des années 90 pour décrire une préoccupation alimentaire de plus en plus fréquente s’apparentant à l’anorexie, et d’autre part ce phénomène n’a pas fait à ce jour de consensus universel concernant sa définition et les critères associés.

Selon les différentes études existantes, ce trouble se caractérise par une obsession pour la qualité des aliments  se trouvant dans l’assiette et le fait d’avoir une alimentation saine, qualité fondée  sur les croyances ou non de la personne, ce qui amène des restrictions alimentaires importantes. L’orthorexie est une façon de s’alimenter baser sur des règles très strictes (que s’impose la personne), un écart pouvant amener la personne à s’isoler afin de pouvoir continuer ce régime restrictif.

La personne souffrant d’orthorexie contrôle son alimentation, doit manger sainement et écarte de son régime tout aliments interdits, considérés comme sales ou néfastes.  L’orthorexie est donc une préoccupation excessive de l’alimentation qui porte d’abord sur la sélection et la préparation restrictive d’aliments dit « bons » (ex: les légumes), mais également sur l’évitement phobique d’aliments dits « mauvais » (ex: Les bonbons). Ces aliments interdits sont des aliments trop sucrés, trop gras ou trop cuits, ainsi la personne limite sa consommation et ne privilégie que les aliments blancs ou claires, d’une seule couleur ou des fruits ou des légumes. L’orthorexique refuse d’aborder tout aliments « inacceptable »,  quitte à se priver de nourriture.

L’orthorexie ne se limite pas seulement à une obsession du choix des aliments, mais il s’agit également d’une disposition à toutes les étapes qui entourent  la prise alimentaire c’est à dire de la sélection des aliments à la consommation (planification des repas, achat, préparation et consommation). Par exemples, pour ces personnes, aller au restaurant, et se permettre de ne pas être à l’affût des ingrédients utilisés et des moindre étapes de préparation est très anxiogènes.

Bien que l’orthorexie s’accompagne de restriction alimentaire, elle se différencie de l’anorexie mentale, par sa visée plus centrée sur la santé  « la non-maladie » que sur la perte de poids, bien ce que celle-ci ne soit pas exclue.

L’orthorexique mange en règle générale des aliments issues de l’agriculture biologiques, n’ayant pas été transformés et auxquels aucun conservateur n’a été ajouté. Faire les courses ou planifier les repas sont des activités laborieuses, pouvant s’étaler sur plusieurs jours. Calculer chaque gramme, vérifier l’apport de chaque aliment dans le corps, les calories, sont des obsessions pouvant devenir envahissants au moment de faire les courses ou au moment des repas.

    Les critères selon Bratman, S. :

  • Consacrer plus de 3 heures à se préoccuper de son alimentation
  • Prévoir ses repas la veille pour le lendemain
  • Accorder de l’importance à la valeur nutritive de l’aliment plutôt qu’à son goût
  • Exigence de plus en plus importante dans ce domaine
  • Une diminution de la qualité de vie en lien avec le respect du régime
  • Une préférence pour une alimentation saine plutôt que satisfaire ses envies
  • Sentiment de satisfaction après être parvenu à respecter ses règles auquel cas la naissance un grand sentiment de culpabilité
  • Isolement social induit par ces conduites alimentaires

L’orthorexie est une obsession de l’alimentation « saine et pure » qui a des conséquences importantes dans différents domaines. L’orthorexie se repose sur un surinvestissement des règles alimentaires, laissant peu de place à la satisfaction des besoins.

Les conduites alimentaires nocturnes – night eating syndrome (NES)

Les conduites alimentaires nocturnes, plus connues sous le nom Night Eating Syndrome (NES) se caractérisent par différentes étapes, une anorexie mentale, une hyperphagie en fin de journée et/ou la nuit et une insomnie. Le NES figure parmi les autres troubles spécifiés de l’alimentation et les conduites alimentaires dans le DSM V.

Les conduites alimentaires nocturne se distingue de la boulimie, car les portions consommées sont des en-cas plutôt que des repas riches en calories et elles ne sont pas accompagnées de comportements compensatoires.  Les personnes souffrant de NES ont tendance à ne pas manger le matin et consomment très peu au cours de la première moitié de la journée. La majorité de leurs calories sont consommés dans les heures du soir, si bien que le sommeil peut être perturbé de sorte que la personne peut se réveiller pour manger.

Le mérycisme

Le mérycisme figure dans le DSM V. Le mérycisme ne correspond pas à des vomissement, ou des reflux, mais à une régurgitation volontaire et répétée de la nourriture. Les aliments régurgités peuvent être remastiqués, avalés de nouveau ou recrachés. Le mérycisme est un comportement conscient, la personne provoque par elle-même le retour des aliments contenus dans l’estomac vers la bouche. Ce comportement ne pouvant être contrôlé, elle ne peut s’empêcher de le faire en présence d’autrui, alors qu’elle a conscience du caractère gênant ou impoli de ce comportement.
L’émotion associée au mérycisme est le plaisir. Il s’agit d’un besoin irrépressible de retrouver le plaisir des aliments avalés lors de la première fois.

Le mérycisme est souvent associé à l’anorexie mentale ou la boulimie. Le mérycisme peut entraîner des complications physiologiques importantes, en particulier une ulcération au niveau de l’œsophage.

La potomanie  

La potomanie est un comportement qui se caractérise par boire excessivement de l’eau sans soif et tout au long de la journée (cela peut aller de 4 litres à 20 litres d’eau par jour). L’eau est utilisée dans le but de purifier le corps, d’éliminer l’ingestion d’aliments gras afin d’éviter la prise de poids, ou afin d’éviter la prise alimentaire ou la réduire. L’eau est utilisée comme coupe faim. La potomanie peut entrainer des conséquences importantes au niveau biologique (polyurie, oedèmes …).

Les causes des troubles des conduites alimentaires (TCA)

Les troubles du comportement alimentaires (TCA) sont complexes et seraient causés par une combinaison de facteurs individuels, psychologiques, familiaux, environnementaux et socioculturels.

  • Facteurs individuels : sexe féminin, prédispositions génétiques (hérédité), déficit des neurotransmetteurs régulant l’appétit et l’humeur (sérotonine, noradrénaline), puberté / adolescence, insatisfactions corporelles, initiation à un régime restrictif, traits de personnalité (perfectionnisme, conformisme, rigidité, impulsivité, traits obsessionnels), faible estime de soi, stratégies d’adaptation inefficaces, difficulté à exprimer les émotions et à s’affirmer, sentiment d’inefficacité, importance du regard de l’autre…
  • Facteurs familiaux : relations difficiles avec la famille, existence de non-dits, importance de préserver les apparences, pression de performance, évitement des conflits, dépendance, règles familiales inconstantes et imprévisibles, préoccupations alimentaires ou insatisfactions corporelles chez l’un des membres de la famille…
  • Facteurs environnementaux : événements de vie stressants ou traumatiques (séparation, décès, conflits familiaux, abus sexuels ou physiques, déménagement, ou changement d’école), réseau d’amis peu soutenant…
  • Facteurs socioculturels : standards de beauté irréalistes (idéalisation de la minceur), pressions
    sociales à la minceur, préjugés contre l’obésité…

Les troubles alimentaires surviennent souvent à l’adolescence, une période où la personne cherche à savoir qui elle est réellement, à se différencier de ses parents et à prendre sa place auprès de ses pairs. Face à ces enjeux majeurs, il arrive que l’adolescent peu outillé se tourne vers des comportements alimentaires inadéquats. Pourquoi ? Parce que les troubles alimentaires peuvent être considérés comme des comportements adoptés pour composer avec des émotions difficiles à gérer, pour surmonter des problèmes et pour combler des besoins.

 

Carla de Sousa, psychologue TCC à Paris.

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